Se libérer des illusions pour élever sa pratique

Définition du yoga : Révélation d'un sens insoupsonné

Que désignait le mot yoga dans la période védique, bien avant nos studios modernes et tapis en plastique ?

un livre ancien de type dictionnaire avec écrit yoga en titre.

À cette époque lointaine qu’est l’ère védique ancienne (de 1500 à 500 avant notre ère environ), quelle était la définition du mot yoga ? le mot yoga avait-il déjà la connotation de discipline physique, comme dans le Hatha Yoga avec ses postures, sa respiration contrôlée, ses mudras et ses bandhas

Ou bien était-il avant tout associé à une pratique spirituelle , comme le Raja Yoga — ce yoga royal — dont l’objectif est d’atteindre équilibre intérieur, paix mentale et libération de la souffrance par la méditation et la maîtrise de soi ?


Peut-être même que le yoga combinait déjà les deux approches : la discipline physique servant de fondement à une quête spirituelle plus profonde ?

Ou encore, le yoga représentait-il un parcours de développement personnel, un chemin vers la réalisation de soi ? Comme dans les Yoga Sutras de Patanjali, par exemple, où le yoga est décrit comme un processus pour canaliser les fluctuations du mental et atteindre un état de conscience pure.

On peut aussi imaginer que le yoga désignait l’union de l’esprit et du corps. Rappelons que le mot yoga dérive du mot sanskrit yuj, signifiant « atteler » ou « unir ». Dans cette perspective, le yoga peut incarner l’union de l’esprit, du corps et de l’âme.

Peut-être que, le yoga représentait une autre forme d’union : l’union de l’individu avec l’absolu ? Dans l’hindouisme, le yoga est perçu comme un moyen d’unir l’âme individuelle (atman) avec le Tout universel ou l’Absolu (Brahman), menant ainsi à l’illumination ou à la libération spirituelle (moksha).

Ou peut-être le yoga signifiait-il la dévotion, incarnée par le Bhakti yoga ? ce chemin dans lequel le pratiquant se dévoue à une divinité ou un idéal spirituel et y consacre toute son énergie, toutes ses actions, toutes ses pensées afin de transcender son ego limité et atteindre l’union spirituelle avec cet idéal.

Ou alors, est-ce que le yoga désignait un chemin de connaissance, le Jnana yoga ? Chemin qui invite le pratiquant à rechercher la vérité et la sagesse. À travers l’étude des textes sacrés, la méditation et le développement du discernement, le pratiquant cherche à dissiper l’illusion de séparation pour comprendre que son Soi intérieur (atman) est identique à la Conscience universelle (Brahman). En dépassant cette illusion, il atteint une libération spirituelle (moksha) qui met fin à la souffrance et au cycle des renaissances, permettant de vivre en paix et en harmonie avec l’univers, au-delà de l’ego.

Ou bien, le yoga désignait-il le Karma yoga, la voie de l’action désintéressée ? Voie où chaque action est accomplie sans attente de récompense, mais avec un esprit de pur altruisme. Dans le Karma Yoga, l’action se met au service d’un idéal plus grand que soi, et c’est cette attitude de détachement qui conduit à une libération intérieure profonde.

Pour trouver la réponse à cette question de la définition du yoga, il nous faut remonter à la première occurrence de yoga dans le corpus védique 

Définition du yoga : révélation du premier sens insoupçonné

un guerrier sur son char, il s'envole vers le ciel
Le Mahabharata a été composé entre 400 AEC et 400 EC, les strates anciennes citées ici correspondraient à 200 AEC à 100 EC

Le mot yoga apparaît pour la première fois dans les textes anciens des Védas, en particulier dans le Rig Veda, l’un des textes sacrés les plus anciens de l’Inde, datant d’environ 1400 à 1000 avant notre ère. Le Rig-Véda décrit un univers guerrier, dominé par les exploits d’Indra, dieu de la guerre et des orages, ainsi que par de nombreux rituels sacrificiels propres à cette culture martiale.

Dans le Rig Veda, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le terme yoga n’évoque ni la méditation, ni les postures, ni aucune des formes de yoga évoquées plus haut. À cette époque, le mot yoga est intimement lié à l’image du char de guerre, un véhicule puissant tiré par des chevaux, symbolisant le chemin de l’ascension guerrière. 

Le terme yoga « ne désignait pas la méditation ou la position assise, mais un char de guerre comprenant un véhicule à roues, l’attelage de chevaux qui le tire et le joug qui les unit » (Yoga, l’art de la transformation).

Ainsi, le mot yoga désigne initialement un véhicule, un moyen de locomotion ! En effet, « selon une ancienne tradition guerrière indienne attestée dans les strates anciennes du Mahabharata, le héros mort au combat était transporté au ciel en traversant le soleil – moment où il atteignait le statut de divinité – dans un véhicule appelé yoga » (Yoga, l’art de la transformation).

Définition du yoga : révélation du second sens méconnu

David Gordon White, spécialiste des religions sud-asiatiques et professeur émérite d’études religieuses à l’Université de Californie à Santa Barbara, défend l’idée que parmi les deux sens les plus connus du mot yoga, soit « union » et « mettre sous le joug », c’est le second sens, celui de « mettre sous le joug », qui est historiquement le premier.

Dans son excellent livre Sinister Yogi, il rappelle que le terme « yoga » désigne initialement le guerrier mort au combat dans son ascension vers le disque solaire afin de le percer et de rejoindre le monde divin. Il précise que la meilleure traduction du mot yoga est le mot français « attelage », qui désigne l’ensemble : « guerrier, char, chevaux ».

Ainsi, dans la littérature védique ou épique, les guerriers sont souvent représentés conduisant un char qui leur permet de percer les rayons du soleil et de s’unir au divin. Comme le souligne David Gordon White, dans certains textes anciens, tels que le Yajnavalkya Smriti, texte écrit entre le IIIe et le Ve siècle de notre ère, le yogi devient un modèle de conduite exemplaire au combat, un héros divin : “those who, for the sake of protecting the land, are slain by faultless weapons without turning tail on their enemies: they go to heaven, after the fashion of the yogis.”

Traduction : « Ceux qui, pour protéger la terre, sont tués par des armes infaillibles sans fuir leur ennemi : ils vont aux cieux, à la manière des yogis ».

Cette image du guerrier, qui, une fois tué au combat, atteint les cieux sur son char, est celle du sacrifice védique. En sacrifiant sa vie, il accède au monde des dieux immortels et atteint le statut divin. Ainsi, comme en attestent les textes anciens, ce héros mort au combat est bien un modèle de yogi guerrier, et le yoga en tant qu’attelage est le moyen, le véhicule de son ascension victorieuse.

 

un yogi guerrier conduit un char avec des chevaux

Comme le soulignent Christian Lee Novetzke et Sunila Kalé dans leur étude[1] sur le sujet, trois significations principales du mot yoga apparaissent dans le Rig-Véda : un sens littéralmétonymique et métaphorique. Le sens littéral renvoie au verbe anglais to yoke (atteler en français), désignant l’action d’atteler un cheval à un char en préparation de la guerre. Le sens métonymique fait référence à la guerre elle-même, tandis que le sens métaphorique, dérivé des deux précédents, évoque l’idée d’exercer un pouvoir ou un contrôle, notamment sur une force puissante.

Ces auteurs précisent que l’une des plus anciennes occurrences du mot yoga dans le Rig-Véda porte cette signification métonymique de « se préparer à la guerre ».
« The text clearly links yoga to war preparation rather than to any philosophical position or psychophysical process. » (Le texte associe clairement le yoga à la préparation de la guerre plutôt qu’à une quelconque position philosophique ou pratique psychophysique.)

[1] The Yoga of Power: Yoga as Political Thought and Practice in India, de Christian Lee Novetzke et  Sunila Kalé

Le mot yoga émerge dans un contexte guerrier

Enfin, si l’on peut souligner les connotations hautement symboliques de ces textes anciens, qui célèbrent le courage, la maîtrise de soi et le devoir, il n’en reste pas moins que lorsque le terme yoga est cité pour la première fois dans le Rig Veda, il ne désigne ni le yoga méditatif ou postural, ni même le yoga dévotionnel ou le yoga de la connaissance. Il est d’abord relié au monde de la guerre, et les figures du guerrier et du yogi y sont intimement liées.

Vos retours sont précieux ! Participez au débat en laissant un commentaire et accompagnez-moi dans cette belle aventure de publication de mon essai, présentée en détail dans mon premier article.

Si vous appréciez mon travail, inscrivez-vous via le formulaire ci-dessous pour reçevoir mes dernières publications et suivre mon défi de publier mon livre sur l’histoire du yoga.

un guerrier des armes un char des chevaux
Partagez l'article

Laisser un commentaire